Sols : faut-il s’inquiéter?

Sols : faut-il s’inquiéter?
Sols : faut-il s’inquiéter?


Chère ami, chère amie, 

Si l’environnement est souvent au coeur des discussions politiques, notamment parce que des catastrophes régulières, liées à sa dégradation, nous rappellent à l’ordre, peu de responsables politiques s’intéressent à la question, plus spécifique, des sols...

Pourtant, la qualité du sol est un enjeu central pour la biodiversité, pour l’alimentation et pour notre survie. Cette question est peut-être aussi importante que celle du nucléaire, du réchauffement climatique ou des hydrocarbures… 

Vous plaisantez me direz-vous. 

Pas du tout ! 

La question des sols est à la base de tout. Si nous comprenions mieux leur importance, si nous nous attachions à mieux les traiter, nous corrigerions probablement la question du climat, de la biodiversité, de l’eau et des hydrocarbures.... 

J’irai même plus loin, mieux comprendre les sols, nous inciterait à prendre mieux soin de notre santé ! 

C’est du reste la raison pour laquelle nous avons décidé d’intituler notre 3e journée du Microbiote : 



Microbiote et terre nourricière : liens sacrés et sacrés liens !
Il est primordial de comprendre les liens directs qui existent entre la terre, notre alimentation et notre santé. En effet, on peut “jardiner” son microbiote comme l’on “jardine” la terre. 

Le tout est de comprendre que l’on est face à des écosystèmes vivants aux équilibres fragiles. Bactéries, levures, champignons, virus, parasites, micro-organismes s’y rencontrent, s’y croisent et s’y disputent au quotidien. La santé des sols, comme celle du microbiote dépend essentiellement de l’équilibre que l’on maintient ou non dans ces systèmes. 


Nous marchons sur un “tapis roulant” !
Jean-Marie Pelt, dans son livre Les dons précieux de la nature[1] décrit, au chapitre 7, les services rendus par les sols. Ils sont inestimables. L’auteur précise pour commencer que : 



“A la différence de l’eau et de l’air, le sol est un milieu complexe à l’interface entre la roche mère et l'atmosphère, subtil agrégat de matière minérale, et organique, de détritus de roche, d’humus, de bactéries et de nombreuses espèces vivantes. Plus ou moins imbibés d’eau, le sol occupe en moyenne une profondeur de 30 centimètres.” 
Cette définition est essentielle. Elle nous rappelle que les sols sont fragiles : par leurs structure d’abord et par leur profondeur ensuite : 30 centimètres, c’est très peu. Même s’il s’agit d’une moyenne, on a vite fait, en quelques générations de mauvaises pratiques agricoles par exemple, de transformer un sol riche en désert. 

C’est exactement ce qui est en train de se passer dans les terres fertiles de la Beauce où 30% de la matière organique des sols a disparu. C’est aussi ce qui s’est passé, au temps des romains en Sicile. A l’époque, la Sicile est le grenier de Rome. C’est là que pousse le blé. Mais l’île a été défrichée. Ce faisant, elle s’est asséchée car les arbres attirent, pompent, gardent et relâchent l’eau. Sans eux, ce circuit s’épuise et les terres se désertifient. 

Le sol n’est donc pas très épais. En plus, il est soumis à de lourdes pressions. Géologiques d’abord, puisque d’après Jean-Marie Pelt : 

“...l’érosion ne cesse de raboter les sols, entraînant leur substance, via les cours d’eau vers la mer, ce qui explique que les montagnes très anciennes, soient moins élevées que les Alpes ou les Pyrénées, montagnes récentes. Mais ce mouvement est compensé par la remontée du magma le long des lignes de failles au fond des océans. 

Le botaniste en conclut que nous marchons sur une sorte de tapis roulant. Jusque là tout va bien. Les ennuis commencent avec la pression exercée sur le sol par les activités humaines. 



Des sols “oubliés”...
Au cours du 20e siècle, les sols ont été oubliés. L’agriculture chimique a cru triompher en introduisant des amendements. On a donné aux sols des nitrates, du potassium et des phosphates. Dans un premier temps, cela a augmenté les rendements d’une manière surnaturelle. Les agriculteurs n’en revenaient pas. Pour le blé par exemple, on est passé d’un rendement de 20 quintaux par hectare et par an dans les années 50[2] à plus de 70 aujourd’hui (71,5 q/ha en 2017[3]). A la fin du XVIIIe siècle, les paysans en France peinaient à produire plus de 10 quintaux par hectares ! 

Mais depuis 20 ans, ces rendements stagnent ou baissent. Les courbes inquiètent. En Beauce, là où il n’était pas rare d’atteindre les 150 quintaux à l’hectare, voire plus, on est redescendu à 90.... La Beauce finira par tomber au niveau national. C’est une question de temps si rien ne change dans les pratiques agricoles. 

La raison de cette évolution est simple : les sols sont épuisés. Leur biodiversité a chuté. Selon Claude Bourguignon, ingénieur agronome, expert des sols, le nombre de vers de terre à l’hectare est passé de 2 tonnes à 100 kg. Il explique, dans une vidéo passionnante,[4] que l’agriculture moderne est en train de tuer la terre. Il met en avant trois raisons : 

1/ Le labour. C’est une institution du monde agricole. Et pourtant c’est aussi un erreur, selon notre ingénieur agronome. Pour faire comprendre cela, il explique comment les forêts font les sols. L’arbre fait tomber des branches mortes et des feuilles. La faune du sol (faune épigée) mangent ces branches. Ce sont les collemboles, les acariens etc. Leurs déjections nourrissent ensuite les champignons, qui transforment ces déchets en humus.  Or, les champignons sont aérobies, c’est à dire qu’ils ont besoin de l’air ambiant et de son oxygène pour vivre. La première règle absolue est donc de ne jamais enfouir ou retourner (avec le labour) la matière organique. 

2/ La deuxième erreur, ce sont les intrants chimiques. D’abord, ils fragilisent les plantes parce qu’elles se trouvent nourries essentiellement avec des nitrates, du potassium et des phosphates. Les autres éléments, que la nature donne habituellement, sont oubliés. Ensuite parce que ces produits stimulent les bactéries. Elles prolifèrent. Cela crée, comme dans le microbiote, un déséquilibre avec les champignons. Par ailleurs, les bactéries minéralisent la matière organique. Elle tombe alors plus bas et ne peut être mangée par la faune épigée. Et les champignons n’ont plus rien pour se nourrir ! Les éléments s’enfouissent, polluent les nappes phréatiques et les sols meurent. Ils sont alors emportés par l’érosion pluviale, qui ne laisse que les roches. 

3/ La troisième erreur est, évidemment, l’usage massif des pesticides qui ne fait qu’accroître les déséquilibres déjà créés par les engrais. Mais le cas des pesticides, ce qui comprend les herbicides, les fongicides et les insecticides n’est plus à démontrer. Les pesticides : 


>> créent des maladies graves (cancer de la vessie[5]), Parkinson[6] et Alzheimer[7] chez les agriculteurs ou les personnes exposées,
>> sont nocifs pour la santé des consommateurs et pour l’environnement.
>> finissent par se retrouver dans tous les organismes vivantes et notamment les êtres humains. 
Le débat actuel sur le glyphosate est emblématique du bras de fer qui existe entre les consommateurs, les industriels de l’agrochimie et les institutions. Alors que le glyphosate a été considéré comme cancérogène probable par le CIRC[8], une institution très prudente, il est toujours sur le marché parce qu’il reste un “blockbuster” de Monsanto. Il finira par être interdit. Mais qui va payer pour les immenses dégâts qu’il aura commis? 

La vérité est simple : les méthodes actuelles d’agriculture reposent sur une illusion. On a hypothéqué les rendements de nos terres pour les centaines d’années à venir afin d’avoir quelques décennies exceptionnelles. 

Nos terres sont épuisées. Et à un moment donné, nous n’aurons pas d’autres choix que de changer de mode de production. 



3 raisons factuelles d’espérer !
Heureusement, il y a aussi de bonne nouvelles. 

Sur les perspectives d’abord : en 2007, la FAO a publié un rapport[9]estimant qu’il était possible que l’agriculture biologique nourrissent 9 milliards de personne dans le monde en 2050. 

Sur l’évolution actuelle des choses ensuite : l’agriculture biologique ne cesse de progresser en superficie et en taille d’exploitation10]. Elle représente aujourd’hui plus de 5% de la surface agricole en France. C’est encore peu mais c’est deux fois plus qu’il y a six ans… 

Enfin, les agriculteurs eux-même découvrent des alternatives intéressantes. Ainsi un article du Figaro[11] raconte l’histoire d’un producteur de courgettes ayant eu recours à la musique pour inhiber un virus tuant ses cultures. L’opération a réussi, là où toutes les autres méthodes avaient échoué. Or les ondes musicales sont efficaces contre les virus, les parasites, les insectes etc. Vous avez remarqué, cet article est rangé dans la section “Economie”. C’est peut-être à ce genre de détail que l’on peut percevoir les changements… 



Naturellement vôtre, 

Augustin de Livois, Institut pour la Protection de la Santé Naturelle est une association sans but lucratif 
21 rue de Clichy
75009 PARIS
www.ipsn.eu
 
[1] Les dons précieux de la nature, Editions J’ai lu, 2005 

[2] Evolution de rendement en grains du blé en France 1815-2011 

[3] Par département, les rendements du blé tendre 

[4]Claude Bourguignon - Proteger les sols pour préserver la biodiversité 

[5] pour nous les ivrognes: c'est pour quand le cancer de la vessie 

[6] Pesticide exposure and risk of Alzheimer’s disease: a systematic review and meta-analysis 

[7] Pesticide exposure and risk of Alzheimer’s disease: a systematic review and meta-analysis 

[8] LES PREUVES, DES FAITS 

[9] FAO, Rapport de la Conférence International sur l’agriculture biologique et la sécurité alimentaire, Rome, 3-5 mai 2007 

[10] Chiffres de la bio en France 

[11] Un paysan sauve ses cultures d'un virus dévastateur… grâce à la musique !

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